Je viens de refermer « Je suis le carnet de Dora Maar » écrit par Brigitte Benkemoun. Quel talent. J’ai été immergé dans un monde auquel j’aurai souhaité appartenir si on m’avait dit « à quelle époque souhaiterais-tu vivre? ».

C’est l’histoire de Théodora Markovitch, racontée par une auteure talentueuse. Mais pourquoi la raconter ? Premièrement, parce qu’elle a trouvé -reçu est le terme exact-, par coïncidence, son carnet. Deuxièmement, parce que ce carnet renfermait des histoires d’un temps passé, mais également d’une femme peu racontée voire mal racontée.
En effet, Dora Maar est souvent, et uniquement, associée à « la femme qui pleure » de Picasso, à son ancienne maîtresse et au personnage d’une femme devenue folle et aigrie. Et c’est ça, que Brigitte Benkemoun a changé, ou du moins, elle a élargi le champ des vérités concernant cette femme, cette photographe, cette artiste.
Dans ce roman, l’auteure énumère, à partir du carnet d’adresses obtenu après un achat sur Ebay, les amitiés, les liens et les connections qu’entretient Dora Maar en 1951. Des liens pratiques, des amitiés mondaines qui se sont étiolés, ou très rarement fortifiés, avec le temps. Elle écrit également par rapport au lien passionnel, mais destructeur, que cette femme a entretenu avec Pablo Picasso, afin de rétablir quelques vérités mais surtout en essayant de la libérer des chaînes de « la femme qui pleure ». Parce que oui, Theodora Markovitch était plus que le sujet de Picasso. Elle était un être à part entière, avec ses qualités et ses défauts.

Des défauts, oui, elle en a. Elle est autoritaire, orgueilleuse, et sur la fin de sa vie, elle devient extrêmement croyante, la poussant à des pensées homophobes et antisémites. L’auteure n’en fait pas un tabou. Au contraire, elle lutte pour comprendre, pour expliquer ces changements dans la vie d’une femme autrefois engagée, de gauche et féministe.
Et c’est ce lien, entre Brigitte Benkemoun et Dora Maar qui m’a peut être le plus touché finalement. Tout au long du roman, l’auteure se bat pour aimer, apprivoiser, reconstruire les souvenirs de Dora. C’est une relation en constante évolution, l’auteure est entrainée dans des recherches qui deviennent son quotidien, son obsession, et à plusieurs reprises, elle défend Dora contre les personnes présentes dans ce carnet.
« Mon destin est magnifique quoi qu’il en semble.
Henriette Theodora Markovitch
Autrefois je disais mon destin est très dur quoi qu’il en semble. »
Ce fût, avec « Rien n’est noir » de Claire Berest, ma plus belle lecture de 2019. Dans ce roman est dressé un incroyable portrait de cette femme aux multiples facettes, que beaucoup ont connu mais que peu ont compris. Je vous recommande vivement de lire ce livre qui remet au coeur de l’histoire de l’art, cette artiste presque oubliée, à la place qui lui revient : en lumière, et non dans l’ombre de Picasso.
Bonne lecture.
Heureuse de partager cet état d’émotion que laisse ce livre.
Petite je ne t’ai pas beaucoup lu de livres mais tu as toujours eu à porter de regards des livres et des parents lecteurs.
Je suis émue de lire tes articles et aussi fière que tu trouves les mots pour partager tes lectures via ce blog.
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